En début d’année, le Haut conseil de la santé publique (HSCP) a publié un avis sur ce scandale sanitaire et environnemental, dans lequel il fait des recommandations pour limiter les répercussions sur notre santé.
Car non seulement cette prolifération d’algues vertes gâche le paysage, mais en plus, elles détruisent toute forme de vie, et rendent ces plages impraticables.
Les marées vertes, c’est quoi ? Comment expliquer ce phénomène ? Pourquoi ces algues sont-elles dangereuses ? Que font les autorités ? Et que pouvons-nous faire, nous citoyens et citoyennes ? Sailing Hirondelle fait le point sur ce scandale sanitaire et environnemental qui empoisonne la Bretagne.
Les marées vertes, c’est quoi ?
La coupable toute désignée, l’Ulva armoricana, n’y est, en réalité, pour rien. Cette algue verte fait partie de l’écosystème des côtes françaises. Le problème, c’est que depuis les années 60, sa croissance explose. C’est particulièrement le cas en Bretagne, où les eaux sont claires et peu profondes, donc propices à la photosynthèse, et où le courant est trop faible pour emporter les algues au large.
Et surtout, l’eau est riche en azote, dont les algues vertes raffolent. Et ça, c’est à cause de l’agriculture intensive.
Comment expliquer ce phénomène ?
L’azote issu des nitrates est très présent dans les engrais utilisés pour fertiliser les cultures et dans les déjections animales issues de l’élevage intensif. En quantité trop importante, les plantes et les sols ne peuvent plus l’absorber. Il contamine alors les nappes phréatiques, les rivières et donc les bords de mer.
Les chiffres parlent d’eux-même. Dans les années 1960, le taux moyen de nitrate dans les eaux bretonnes ne dépasse pas les 5 mg/litre. Il atteint 50 mg/litre dans les années 2000, avant de baisser progressivement. Aujourd’hui, il est estimé à environ 35 mg/litre.
Ce n’est plus un tabou. Dans son rapport de 2021, la Cour des comptes souligne que la prolifération des algues vertes en Bretagne est « à plus de 90% d’origine agricole ». C’est le système productiviste qui est en cause – et non les agriculteurs et agricultrices qui pâtissent de ce système.
Pourquoi ces algues sont-elles dangereuses ?
Dans l’eau, les algues vertes ne sont pas dangereuses. C’est quand elles se décomposent sur les plages qu’elles libèrent un gaz nocif, l’hydrogène sulfuré. Ces algues toxiques annihilent toute forme de vie, comme les petits crustacés qui vivent dans le sable. Elles peuvent aussi tuer des plus gros mammifères (des chiens en 2008, un cheval en 2009, des sangliers en 2011…) voire des êtres humains. En 2009, Thierry Morfoisse, 48 ans, a succombé à une crise cardiaque juste à côté de son camion alors qu’ils ramassaient des algues. En 2021, son décès a été reconnu comme un accident du travail.
Que font les autorités ?
« La présente saisine après plus de vingt ans de situations répétées de crises et d’alertes aux pouvoirs publics marque une certaine faillite de la gestion préventive et curative des échouages d’algues vertes et de leur élimination rapide », conclut le HSPC dans son rapport.
Un premier plan de lutte contre la prolifération des algues vertes est entré en vigueur en 2011. Il consiste à nettoyer les plages à coups de chargeurs, tractopelles et camions, ce qui déteriore un peu plus l’écosystème. Des actions préventives ont également mises en place, pour limiter la pollution des eaux. Mais pour France Nature Environnement, « ces projets s’apparentent à une série de rustines sur une chambre à air en bout de course ».
Et ce n’est pas faute de mettre les moyens : 55 millions d’euros ont été débloqués pour le plan 2017-2021. Mais ce n’est pas suffisant. En 2021, le tribunal administratif de Rennes a jugé que le plan de lutte manquait de mesures contre les nitrates d’origine agricole, forçant l’État à revoir sa copie.
Que pouvons-nous faire, nous citoyens et citoyennes ?
Le cœur du problème, c’est l’agriculture intensive. Depuis de nombreuses années, des associations, comme France Nature Environnement ou Eau et Rivières en Bretagne, se mobilisent pour changer le modèle agricole.
À notre petite échelle, on peut contribuer à endiguer ce problème en adoptant un mode de consommation plus raisonnable. Manger moins de viande, acheter des produits locaux, bios…, c’est soutenir un système plus respectueux de l’environnement. C’est ce qu’explique Bartolo, un pizzaiolo que nous avons interrogé pour notre podcast Radio Sea The Future.
Pour aller plus loin
L’excellente BD Algues vertes. L’histoire interdite, d’Inès Léraud et Pierre Van Hove, synthétise très bien ce scandale sanitaire et environnemental. La journaliste a enquêté pour comprendre l’inertie des autorités face à cette problématique sensible, en s’appuyant sur les analyses de spécialistes, les témoignages d’associations locales, d’agriculteurs et d’agricultrices, et sur des archives.